Classes de la seconde chance
Objectif du projet
Alphabétiser le plus grand nombre d'enfants et leur donner accès à une formation professionnelle afin de constituer un vivier d'éléments moteurs à un développement durable dans les villages.
Région de Tillabéri
Origine et conception du projet
Le Niger est un pays sous scolarisé (moins de 30% d'une classe d'âge). Lorsqu'une classe gouvernementale ouvre dans un village, les jeunes de 6 à 8 ans sont scolarisés, puis l'année suivante une deuxième classe ouvre éventuellement selon le même principe, sinon la classe de premier niveau (équivalent CP) disparaît au profit du second niveau. Dans tous les cas, les enfants de plus de 8 ans lors de la première ouverture ne seront jamais scolarisés.
La classe de la seconde chance, est une structure qui ouvre ses portes aux enfants de 9 à 13 ans qui n'ont pas la chance d'être scolarisés. Les enfants apprennent à lire dans leur langue, ils apprennent à parler le français, puis quand ils maîtrisent la lecture, lisent aussi en français (principe des classes bilingues). Dans les classes gouvernementales, les enfants doivent apprendre à lire directement en français, ce qui peut être plus difficile puisque c'est alors une langue étrangère pour eux. Les élèves reçoivent aussi une formation à un métier de leur choix et se rendent un après midi par semaine chez l'artisan dont ils ont choisi le métier et qui a accepté de prendre des enfants en apprentissage. Le calendrier est établi par l'instituteur. Par ailleurs, afin de favoriser la scolarisation, un aménagement horaire est accordé par l'enseignant, à la demande des familles, afin de libérer les enfants pour les travaux à effectuer dans la famille. De ce fait, le rythme est un peu différent et ces classes ont très peu de vacances scolaires.
Les classes de la seconde chance sont ouvertes avec l'accord du ministère de l'éducation mais celui-ci n'en prend pas la charge. C'est donc grâce à l'aide financière de la coopération française que le système peut fonctionner. Ces classes étant toutefois reconnues, cela permet de présenter les enfants, au bout de 4 ans, à l'examen officiel de fin d'études. Chaque classe est donc amenée à disparaître au bout de 4 ans. Une nouvelle classe, avec une nouvelle génération d'enfants de 9 à 13ans, pourrait alors se créer si le besoin existe et si le financement est disponible.
C'est le REPTA (Réseau d'Éducation Pour Tous en Afrique) qui est à l'origine de ce projet. Il existe à ce jour, 7 classes de la seconde chance. Deux ont été créées par l'intermédiaire de l'association FREDIE : LA VIE AU NIGER, grâce à une subvention accordée par le CONSEIL REGIONAL DE BASSE-NORMANDIE, et quelques communes du canton de THURY-HARCOURT.
Fonctionnement
Les deux classes dont nous nous occupons sont situées dans la région de Tillabéri : l'une dans le village de Ouallam et l'autre dans le village de Diagourou. Les maires de ces deux collectivités sont parties prenantes du projet et ont signé une convention avec nous.
Ouallam est un village essentiellement Zerma (une des ethnies présentes au Niger); l'apprentissage se fait donc dans leur langue, le zerma,. C'est une institutrice qui fait la classe, dans un local en dur qui a été mis à sa disposition par la commune. (quelques travaux de réfection sont à envisager). 50 élèves sont inscrits, 46 fréquentent assidûment la classe.
Diagourou est un village peuls (une autre ethnie présente au Niger); l'apprentissage se fait donc en fulfude (leur langue). C'est un instituteur qui fait la classe dans une simple paillote (une construction en dure est à envisager). 36 élèves sont inscrits et viennent régulièrement (« le problème de la fréquentation ne se pose pas et ne se posera pas. Les enfants, pour beaucoup âgés de 13ans, sont tellement contents d'aller à l'école qu'ils n'en manquent pas une journée. Certains arrivent en retard, parce qu'ils doivent auparavant accomplir des travaux à la maison, mais ils viennent », nous rapporte C. Ménager).
Les instituteurs ont reçu une formation initiale en Novembre 2006, avec les 5 autres enseignants des classes de la seconde chance, par Mahamane Oumarou et Mahamadou Saïdou, conseillers pédagogiques nigériens à la retraite et membres du REPTA. Ces derniers encadrent également les enseignants durant l'année scolaire, aidés à Diagourou de Hama Boukari, vice maire et conseiller pédagogique à la retraite. La première année scolaire a commencé en décembre 2006 et s'est terminée le 31 juillet 2007.
De février à avril 2007, Claude Ménager, instituteur calvadosien, à la retraite, membre du GREF est allé auprès des enseignants. Il a constaté la marche de la classe, a établi avec les instituteurs une progression d'enseignement et des fiches de travail. Il a rencontré des artisans des deux villages ainsi que la direction de l'enseignement professionnel et a établi des liens afin d'envisager une formation professionnelle aux enfants.
La deuxième année doit reprendre en septembre 2007 jusqu'en juillet (inclus) 2008.
Actions
En 2007
Nous pensions nous rendre dans les villages mais avons remis notre visite en février car, fin 2007, C. Ménager, formateur, a continué avec les instituteurs l'élaboration de fiches et de tests d'évaluation. Il a également poursuivi le travail commencé avec les artisans locaux et la direction de l'enseignement professionnel à Niamey.
Ensemble, nous voulons rencontrer des responsables Bas-Normands (MFR, Eau-vive) et étudier comment nous pouvons travailler en concertation.
En 2008
Deux membres de l'association se sont rendus dans les villages. A Diagourou, les vaches ont mangé la classe paillote pendant les vacances du mois d'août. A la rentrée, en attendant la construction de la classe, une ancienne classe en banco, en délabrement a été mise à la disposition pour les élèves de la classe de seconde chance. Les artisans qui reçoivent les enfants sont très démunis en matériel. L'association a participé à l'achat du matériel indispensable, à Niamey, pour recevoir des élèves. (Exemple : le couturier appelé tailleur, ne possède qu'une machine, donc quand l'enfant s'exerce, il n'a plus d'outil de travail, et si l'enfant abîme la machine, il perd son outil de travail. Une deuxième machine a donc été achetée et mise à disposition de l'artisan.)
En 2009
Un nouveau voyage au Niger en Novembre 2009 a été l'occasion de revisiter les classes de la seconde chance de Diagourou et Ouallam peu après la rentrée de la dernière année scolaire du cycle prévu (4 ans). Il y a 24 élèves à Diagourou (sur 36 au départ, les filles se trouvant mariées au cours de ces trois années , deux familles ayant quitté le village et 2 autres enfants ayant abandonné) et 12 élèves réguliers à Ouallam (sur 48 au départ, même problème de mariage des filles, et cette commune est une commune urbaine avec des élèves venant de la rue).
A Ouallam, la municipalité souhaitait une classe de la seconde chance pour lutter contre la délinquance, la spécificité de cette classe est qu'elle permet une scolarisation en même temps qu'une formation professionnelle chez les artisans. Les élèves de Ouallam vont chez les artisans même pendant leurs heures de classe, ce qui fait que la fréquentation scolaire est faible, mais ils ont reçu la formation à un métier et ne sont plus dans la rue, donc si nous devons avouer un demi échec, voyons y aussi une demi réussite (le témoignage des parents est, lui, positif).
A Diagourou, les 24 élèves sont alphabétisés dans leur langue , 8 peuvent prétendre réussir au Certificat à la fin de l'année (en progressant comme les autres années). De plus, ils ont aussi acquis les compétences artisanales. Les élèves tailleurs vendent les vêtements qu'ils confectionnent et constituent une caisse pour se réapprovisionner en matières premières. Ils ont acquis une certaine indépendance.
Devant le succès de cette entreprise et le nombre important d'enfants non scolarisés, le maire de Diagourou souhaiterait renouveler l'expérience avec une nouvelle promotion d'élèves, dans un autre village de la commune. L'instituteur a confirmé qu'il accepterait de continuer s'il est assuré d'un salaire équivalent. Une réflexion et une analyse budgétaire reste à mener au sein de l'association.
En 2010
Fin des quatre années du projet « classes de la seconde chance » de Diagourou et Ouallam.
- A Ouallam, malgrès un bilan scolaire mitigé, la formation artisanale est réussie puisque tous les élèves ont accédé à une formation professionnelle.
- A Diagourou : comme prévu, 8 élèves savent lire et écrire en français et les 16 autres savent lire et écrire dans leur langue. Une élève est entrée en 6e, deux élèves ont été recrutés pour alphabétiser dans le village, les 9 élèves ayant suivi la formation chez les tailleurs ont été acceptés dans un centre pour y pefectionner leur formation. Tous ont reçu une formation artisanale satisfaisante.
En 2011
Rien n'a pu être entrepris en raison des évènements politiques.
En 2012
Comme prévu, une classe de la seconde chance a été ouverte en septembre 2012 à Bangaré, village de la commune de Diagourou près de la frontière du Burkina Faso.
L'instituteur, Boukari Issa, est celui qui a enseigné lors de la première classe à Diagourou de 2006 à 2010.
Ce sont 29 élèves qui ont pris le chemin de l'école, dont 16 filles et 13 garçons âgés de 9 à 13 ans.
Les parents ont construit une classe en paille près de l'école gouvernementale.
Le matériel (tables, bureau, armoire ) de la première classe 2006-2010 a été apporté dans cette paillote.
Les élèves apprennent à lire et à écrire dans leur langue (le fulfude, langue peulh) et apprennent à parler en français. La moitié des élèves suit la classe pendant que l'autre moitié s'initie à un métier de son choix chez un artisan du village, et inversement.
En décembre, la classe a été dotée d'un troupeau de 10 brebis et un bélier. Les élèves doivent s'en occuper, encadrés d'un responsable adulte. Du fourrage a été acheté afin de compléter l'alimentation des animaux. Au bout des quatre ans, le troupeau, grossi des agneaux nés, sera divisé entre les élèves qui auront suivi assidûment leur formation scolaire et professionnelle.
Les autorités locales sont maintenant à la recherche de financement pour la construction de la classe en matériaux définitifs afin d'améliorer les conditions de travail des élèves et un financement pour leur initiation au maraîchage.
En 2013
La deuxième année scolaire (dans le cycle de 4 ans) a commencé dans cette classe de la 2de chance. Lors de notre visite fin décembre 2013, nous avons pu constater que la fréquentation est bonne. Ce sont 38 élèves qui suivent les cours. Le niveau des élèves est satisfaisant. Le troupeau est passé de 10 brebis et 1 bélier à 20 têtes de bétail et le bélier. Un adulte responsable encadre les élèves pour s'occuper des animaux.
Les artisans ont reçu du matériel. Les tailleurs aimeraient avoir une table pour la découpe des tissus et le mécanicien un jeu de clés plus adaptées à la réparation des « motos ».
En 2014
La classe accueille toujours 38 élèves. Le local a été restauré. La fréquentation des élèves est bonne, le niveau satisfaisant. Les élèves fréquentent assidûment les ateliers des artisants. Le troupeau s'est encore agrandi de 16 têtes de bétail. C'est donc un troupeau de 36 animaux qui accompagne désormais la classe.
Troupeau de la classe de la seconde chance.
En 2015
La classe de la seconde chance de Diagourou a terminé sa troisième année et commence, avec l'année scolaire 2015/2016, sa quatrième et dernière année du cycle.
Après 3 abandons, ces sont 35 élèves qui assistent à la classe et aux formations chez les artisans.
Grace aux efforts des enfants, aux infrastructures de la commune, à l'engagement et aux méthodes de l'instituteur, les progrès ont été spectaculaires et le niveau d'apprentissage est très satisfaisant. Beaucoup d'élèves auront les acquis nécessaire pour réintégrer l'école classique en 6ème fin 2016 s'ils le souhaitent et s'il en ont la possibilité logistique et familiale.
Si chaque enfant n'a pas forcement trouvé sa voie, tous les artisans ont au moins quelques élèves dont ils sont très satisfaits et qui peuvent envisager poursuivre l'apprentissage vers une activité professionnelle.
Le troupeau est fort désormais d'une cinquantaine de tête de bétail !
Il faudra cette année préparer la fin de l'aventure et la consolidation de ces richesses éducatives, professionnelles et animales pour que chaque enfant bénéficie de bonnes bases et de projets concrets pour l'avenir.
Quant à l'association, à la commune et à l'instituteur, les discussions sont initiées pour envisager le projet d'un nouveau cycle de 4 ans dans un autre village... à suivre et à étudier...
En 2016
Le cycle de quatre année s'est terminé en juillet 2016. Sur les 38 élèves qui avaient commencé ce cycle, 35 l'ont effectué jusqu'au bout. C'est un excellent bilan ! 15 élèves sont entrés en 6° et 3 ont intégré l'école gouvernementale pour terminer leur primaire. En ce qui concerne les 17 autres, soit ils travaillent, soit ils perfectionnent l'apprentissage du métier qu'ils ont commencé à apprendre.
Le troupeau a été vendu et chaque élève a reçu le 1/35ème de la vente. Cependant, le bilan de cette opération s'avère négatif pour l'association car la somme dépensée pour ce troupeau est plus élevée que la recette de la vente !
Un collège a été créé dans ce village, mais il est complètement démuni. En janvier, les membres du bureau de l'association ont accepté d'attribuer une somme qui permet d'équiper les classes en un livre pour 3 élèves en français, math et anglais.
Une nouvelle classe de la seconde chance a été ouverte dans le village de Bouppo, avec le même instituteur et selon le même principe que les précédentes excepté l'expérience du troupeau qui ne sera pas renouvelé. Ce sont 45 élèves de 9 à 13 ans, dont 35 filles, qui ont pris le chemin de l'école. 4 artisans ont accepté de former les élèves : 1 soudeur, 1 mécanicien moto et 2 tailleurs.
La classe est une paillotte un peu exigüe, il a été convenu qu'elle sera agrandie et dotée de quelques tables supplémentaires.
En 2017
Bouppo
Une fille a demandé à intégrer la classe de Bouppo, donc ce sont 46 élèves qui sont inscrits mais 40 seulement sont assidus, 6 sont souvent envoyés travailler par les parents et auront du mal à avoir un niveau correct.
La classe a été refaite. Plus vaste que la première, elle a pu contenir des tables supplémentaires et les élèves sont dans de bonnes conditions pour étudier.
Bangaré
Sur les 15 élèves entrés en 6°, 13 sont passés en 5° et 2 redoublent leur 6°.
Sur les 17 élèves ayant pris le volet formation professionnelle, seuls 3 continuent, les autres sont revenus chez eux. Nous avons essayé d'expliquer aux parents la nécessité de les encourager à poursuivre leur formation, nous verrons si cela a été vécu.
Pour les élèves de Bouppo, nous allons essayer de mieux les motiver à la poursuite de la formation professionnelle pour ceux qui auront choisi cette voie.
En 2018
Bouppo
Ce sont 45 élèves qui suivent cette classe, dont 33 régulièrement : 22 ont un bon niveau, les autres ont un plus de difficultés. Ils suivent tous les cours d'apprentissage chez les artisans : 5 élèves en mécanique, 4 en soudure, 36 en couture.
Bangaré
Sur les 15 élèves entrés au collège, 3 ont abandonné après la 5ème ,10 sont entrés en 4° et 2 en 5°.
Les conditions de vie sont difficiles, et nous n'avons pas pu nous rendre dans ces villages à cause des problèmes de sécurité.
Les parents souhaiteraient créer une banque céréalière pour acheter des livres scolaires avec les bénéfices. Avec les responsables de la commune lors de notre voyage au Niger en décembre, nous avons élaboré un dossier de demande de subvention auprès de l'Agence de micro-projets. Déposé, en France en 2019, celui-ci n'a pas été accepté, mais nous allons travailler les points faibles de ce dossier et refaire une nouvelle demande.
En 2019, 2020 et 2021
La commune de Diagourou subit des interventions d'extremistes. Ces derniers obligent les fermetures d'écoles. Notre classe de la seconde chance ne peut plus fonctionner. Les élèves pouvaient aller en formation chez les artisans, mais la situation s'agrave et une grande pression s'exerce sur la population dont une partie part en exode.